La route entre la Polynésie Française et les Tonga, Aout-Septembre 2013

Nous sommes donc au mouillage à Mopelia, et, après plusieurs jours marqués par des calmes plats, le vent est enfin un peu de retour, pas très fort, 10 à 15 Nœuds annoncés, mais nous pensons que cela sera suffisant, au moins au début de la traversée de 1170 Miles (environ 2200 km) qui nous attend.P1080873

Avant de partir de Mopelia, nous prenons pas mal de fichiers grib (fichiers météo fais pour nous marins = légers en kilo-octets). Nous les téléchargeons à l’aide de notre téléphone satellite Iridium, et ça c’est vraiment super. Nous constatons donc que nous allons devoir traverser un « talweg », (à vos dicos) d’ici 4 jours. Nous nous attendons alors, près de Palmerston, à trouver un vent mal établi.

En effet, à l’Est du talweg on trouve du vent d’Est à Sud Est, (normal). Puis, au passage du talweg, pas de vent du tout, (pas bon, berk). A l’Ouest du Talweg, donc après son passage, on trouve du vent de Nord-Ouest (pas bon non plus), mais tournant rapidement (12 heures environ) au Nord (c’est mieux), avant de revenir finalement, une fois le phénomène passé, à l’Est puis au Sud Est (parfait), son régime normal en cette saison d’hiver austral.

MAIS, quand il faut y aller….on se dit que si on attend, on risque d’attendre trop, que ça peut toujours être pire, que sur 3 ou 4 jours, la météo peut se tromper et que ce talweg et sa dépression associée peuvent très bien aller plus vite vers le sud que prévu et nous libérer le passage….

Mais en fait, non, ça ne sera pas le cas, raté.P1080894

Nous partons donc dans des bonnes et (déjà un peu trop) douces conditions, ça va durer 24 à 48 heures, puis, le vent devient carrément changeant. Ainsi que le ciel…

La route va être longue…le vent tombe, le moteur tourne, le vent revient, puis retombe à nouveau et le moteur tourne encore. C’est la première fois qu’il tourne autant, nous consommons 140 litres de gasoil en quelques jours, et avons la tête bien remplie de ce boucan permanent, le jour et la nuit! En plus, le roulis est fort, la mer si agitée que nous allons être obligé à 2 reprises d’affaler complètement la Grand-Voile, ses claquements étant trop violents.P1080884

A bord, on ne se laisse pas abattre, Isa retrouve son rythme en cuisine jusqu’à faire de bonnes galettes bretonnes! Et tout ça sur un « tapis roulant trampoline ». Lorsque la mer se calme, 2 soirs de suite, nous nous installons avec les grands coussins dans le cockpit avec le PC et les enceintes sur le roof pour regarder quelques bons films, le tout sous un ciel étoilé comme jamais. Tous les jours, on prend et on envoie nos e-mail avec l’Iridium, on trouve ça super de partager notre aventure, et oui; c’est toujours mieux quand c’est partagé!

Pat est un peu vert de ne pas décoller des 5 nœuds de moyenne, même avec tout le moteur que l’on fait. On est loin des 7,4 Nœuds de notre traversée du Pacifique, 100% à la voile!

3 jours après le départ, nous hésitons encore à nous arrêter à Aitutaki, un atoll des îles Cook presque sur la route directe. Mais ce fameux talweg est toujours très actif, et nous allons le traverser le lendemain. Aitutaki va donc dès le surlendemain recevoir du vent de Nord-Ouest, puis du Nord. Et ça ce n’est pas bon du tout, ni à Aitutaki, ni à Niue, ni à Palmerston, ni à Suvarov, les îles qui auraient pu nous servir d’escales sur cette route.

A Aitutaki, la profondeur de la passe n’excède pas 1,80m, et avec Fidji nous sommes donc malheureusement obligés de rester à l’extérieur de ce magnifique lagon. Il faudrait mouiller sur du corail à l’extérieur près du récif, c’est beaucoup trop dangereux. Inutile d’y chercher du repos, et d’y attendre le retour des alizésBelle Isabelle.

Idem pour Palmerston, où là il n’y a carrément pas de passe du tout.

Dommage, car Palmerston est carrément sur la route directe entre Mopelia et les Vava’u aux Tonga. D’y penser nous avions le cœur gros, en doublant les feux de Palmerston, (en fait un ou deux lampadaires). Cela nous aurait fait du bien de nous y poser un peu. Car à ce moment-là, en passant Palmerston, on est au moteur dans la grisaille et le crachin, avec ce fameux vent de Nord-Ouest, puis Nord, qui finit par se lever un peu. Le sillage de Fidji au largeOn coupe le moteur, on fait de la voile. Mais quelques heures plus tard, on se traine à nouveau, les voiles claquent, on redémarre le moteur, on roule, etc…et merde, c’est quand qu’on arrive?

Comme un rêve, Niue apparait devant nous, lors d’un inoubliable lever de soleil, car nous nous en sommes approchés de nuit. Comble du ridicule, il nous a fallu ralentir pour ne pas arriver trop tôt près de ces côtes impressionnantes, un immense bloc de corail soulevé du fond de la mer à 80 mètres au-dessus de l’eau. L’océan se brise rageusement sur ce récif-montagne, et s’engouffre dans les grottes et les myriades d’anfractuosités, générant des bruits de tonnerre, de souffle hyper puissant qui jailli en gerbes. Quand nous entendons ça, à plusieurs reprises, on sursaute en pensant qu’il vient d’y avoir une explosion!!

Dernier évènement, et pas des moindres, de cette traversée, notre inverseur-réducteur, c’est-à-dire l’équivalent d’un embrayage-boite de vitesse, nous donne de graves signes de faiblesse. C’était trop pour lui cette traversée. L’huile a trop chauffée, et il ne nous propulse plus, il tourne mais ne donne plus à l’arbre et à l’hélice la force générée par le moteur. Il aurait fallu vidanger l’huile de l’inverseur sur le champ, mais à ce moment-là, nous n’y avons pas pensé, c’est ça l’expérience…P1080905

Donc, face au vent, les voiles bien rangés pour l’arrivée, nous n’avançons presque plus, en fait à moins d’un nœud, contre ce petit vent qui nous éloigne des corps morts du Niue Yacht Club. Au moteur, nous avons parcouru ces 8 derniers jours et 8 dernières nuits, des centaines de milles. Eh bien, c’est incroyable, mais, les 500 derniers mètres de cette traversée, il ne pourra pas les faire.

Nous renvoyons donc les voiles à 500 mètres des bouées occupées par une dizaine de voiliers qui nous regardent tirer nos bords de près et pensent peut-être que nous voulons faire les malins avec notre beau voilier. Puis, comme nous l’avons fait 100 fois avec notre école de voile à Raiatea, nous attrapons un corps mort du Niue Yacht Club à la voile,….Isa attrape la bouée, et dit : « SUPER, c’est le corps mort numéro 17 » !!Tout va bien donc !! La Charente Maritime pense à nous!

Mais le vent est au Nord Nord Est maintenant, et la houle contourne la pointe de l’île, arrivant de l’Ouest et du Sud-Ouest. On se retrouve travers à la houle, et alors là, on est carrément dégoutés! En moins de 10 minutes, l’annexe est à l’eau, le moteur posé dessus, la nourrice avec l’essence et tout le matos aussi, on contacte les douanes et le yacht club, on attrape le sac à dos, VIIIIIIIITE, on veut aller à terre VIIIITE, vite vite vite vite, et notre toute première pensée, c’est « ce soir, on veut un lit qui ne roule pas ».

Mission, trouver un hôtel à Niue !!!!! Mais ça c’est une autre histoire, on vous racontera ça très bientôt!!!