Après avoir affirmé depuis mon adolescence qu'un jour je
ferai un grand voyage à la voile, après avoir mis de côté le moindre centime
dans cet unique but, après avoir renoncé à une "prometteuse" carrière
dans le commerce international, après avoir bravé les boutades de ceux qui ne
me croyaient pas, me voilà enfin en route.
Fier, heureux, et soutenu par ma bonne étoile, j'ai trouvé Isabelle qui voulait
venir avec moi !
Conscient que la vie est imprévisible et que la chance peut
vite tourner, j'avais depuis longtemps décidé de profiter du temps que j'avais
car, c'est confirmé, il passe à une vitesse incroyable !
Mon planning de voyage a commencé à s'établir au moment de
l'éclipse totale de soleil de 1999. J'étais en Allemagne et je l'ai mal vu à
cause des nuages. J'ai alors appris que la prochaine en Europe se produirait le
3 Septembre 2081. Diantre, j'aurai alors 104 ans !
Mes recherches m'amenèrent alors à voir qu'une autre éclipse
totale allait se produire 11 ans plus tard, précisément le 11 Juillet 2010, et
qu'elle serait totale dans l'archipel des Tuamotu en Polynésie Française, en
plein milieu de l'océan Pacifique. J'ai alors fait un pacte avec moi-même :
"J'Y SERAI, au mouillage avec mon voilier que j'aurai emmené sur place.
J'ai 11 ans pour me préparer. Au boulot !"
Un objectif qui paraissait aux autres tantôt bizarre,
irréalisable, utopique, tordu, mais parfois beau et génial...Certains, surtout
dans mes cercles les plus proches, disaient que c'était impossible sans gagner
au loto, qu'il fallait des millions pour un tel projet, ou que j'allais finir
clochard sous un pont avec ma guitare. Dixit une ex avec qui j'ai vécu pas mal
d'années ! Pour vous dire à quel point j'ai dû faire front pour continuer à y
croire pendant ces années de préparation.
En tout cas, bien motivé et préparé (donc, pas du jour au
lendemain), c'est bel et bien possible sans être millionnaire de partir en
voyage sur son voilier. La preuve, nous y étions, ce fameux 11 Juillet 2010 au rendez-vous
de ma vie, en Polynésie !
Mon rêve d'ado s'était enfin réalisé. J'en avais tellement
parlé. Ma famille et mes amis se souviennent encore très bien de mes rêves de
voiliers au mouillage devant une île paradisiaque, avec ma doudou et ma planche
à voile.
Combien de fois ai-je dessiné ce voilier sur mes cahiers
d'école, depuis les années collège jusqu'à la fin de mes longues études de
commerce ?!
Je rêvais d'une vie plus autonome, et déjà à l'époque je
voulais lui donner du sens. J'étais à la recherche d'une harmonie avec mes
idées. À des années-lumière de ce que les profs de commerce international me
rabâchaient à longueur d'année. Consumérisme et croissance mortifère, pollution
dévastatrice, exploitation irrationnelles des ressources naturelles et des
hommes...Mes questions pourtant légitimes ont souvent été incomprises et
raillées dans cette société capitaliste et néo-libérale qui se croit super
géniale et voudrait que nous y adhérions tous. Alors qu'il suffit d'ouvrir les
yeux pour voir où elle nous mène.
La nature dans son ensemble me fascine, la beauté d'un
paysage me laisse parfois bouche bée, la folie des hommes qui n'ouvrent pas les
yeux m'effraie. Je ne suis pas qu'un irréductible marin, j'aime toute la nature
et j'aimerais qu'elle soit plus respectée.
Une fois en voyage, si on s'y implique vraiment, la
fascination pour un club de foot, la publicité, la mode, les marques, les
belles bagnoles, le bling-bling et les Rolex à la con, tout cela finit par nous
paraître tellement futile et ridicule. Quel est le sens de nos vies ?
S'emmerder au boulot pour ramener un salaire, pour rembourser nos crédits,
payer nos loyers, régler nos factures...Accepter d'en faire toujours plus parce
qu'en plus on a la trouille de perdre ce fabuleux privilège et qu'en
"période de crise" il vaut mieux fermer sa gueule et raser les murs ?
S'acheter (le plus souvent à crédit) des objets pour montrer
comme on est le plus beau, le plus génial, le meilleur, celui qui a le mieux
réussi (puisque la réussite c'est selon certains d'avoir plein de fric et une
Rolex), celui qui a le plus beau costard, celle qui a les plus belles jambes,
le plus beau cul, les plus belles chaussures, la plus belle chevelure....tout
ça pendant que d'autres crèvent la dalle....Quel est le sens de tout ça ?
Réveillons les endormis, on s'en fout de notre coupe de cheveux et de notre
bagnole ! L'important c'est ce que nous faisons du temps qui passe !
Je ne resterai pas indifférent aux aberrations du
fonctionnement du monde et de la tournure désastreuse que prennent les choses.
Et ce, même depuis le fin fond du plus merveilleux des mouillages du Pacifique.
Oui, je pense toujours à ceux qui souffrent et à ce qui se passe autour de moi.
Et j'ai aujourd'hui décidé de faire ma part en prenant ma plume et en publiant
ma prose révolutionnaire sur internet.
L'indignation, obstinément, comme disait ce grand homme, Stéphane
Hessel.
En vivant comme nous le faisons parfois, longtemps au
mouillage ou en mer, on commence peut être par s'ennuyer les premiers jours. Et
puis, l'échelle du temps change. Ce temps, nous le prenons, il a une valeur
inestimable en fait ! On apprend beaucoup de choses sur soi-même, et si on le
souhaite, sur tout ce qui nous intéresse.
Le recul que l’on peut prendre par rapport à la société
occidentale est très intéressant lui aussi.
Arrêter de "travailler" au sens néo-libéral du
terme est une mission que je m'étais fixée depuis longtemps. Il faut bien que
j'y retourne de temps en temps, mais j'ambitionne à l’avenir de le faire le
moins possible et à terme de pouvoir complètement me passer de cette dépendance
à cette forme de travail aliénant. J'invite tous ceux qui me lisent à penser
sérieusement à la définition qu'ils donnent au mot "travail". Les
années qui viennent vont être pauvres en "travail" néo-libéral. Nous
serons tous mis en concurrence, et le pire sera la concurrence contre les
machines. Alors pensez-y, réfléchissez au sens de votre travail et à ce que
vous feriez si demain vous n'en aviez plus.
Si j'aime écrire, est-ce que je travaille quand j'écris ? Et
si j'aime jardiner, est-ce que je travaille quand je jardine ? Et si j'aime
faire de la voile et voyager, est-ce que je travaille quand je fais de la voile
et que je voyage ? Et si j’élève mes enfants, que je fabrique moi-même ma
maison, que je m’occupe de mes vieux parents, alors que je n’ai aucun
revenu ? Est-ce du travail tout ça ?
Ça dépend?
OK, ça dépend de quoi? De la création de valeur ? Du plaisir
qu’on en tire ou pas ?
Et une caissière, elle travaille, elle ? Oui ? Et pourtant, quelle
valeur crée-t-elle, la caissière ? Elle qui sera très bientôt remplacée par une
machine.
Pensez-y, changez de vie est possible ! Regroupez-vous, préparez-vous,
organisez-vous, prenez du temps pour vous, rêvez, c'est vraiment bon.
Allez, je finis avec une petite chanson que j’aime bien :
Pat