Mopelia, Aout 2013

Mopelia,

Nous voilà donc à Mopelia, Maupihaa en Tahitien, notre toute dernière escale en Polynésie française!Mopelia

Mopelia est un petit atoll presque inhabité, loin de tout, l’île la plus proche étant Maupiti, qui se trouve à 100 Miles (185km) à l’est. Le point le plus haut de l’île ne dépasse pas 5 mètres au-dessus du niveau de la mer (sans compter les cocotiers), et le nombre d’habitants, est aujourd’hui de…..13 personnes.

Arrivée prévue à 7h du matin???? Tu parles!! En fait nous sommes arrivés vers midi, et avons mis 23h à la place des 18 prévues!

Le fait de vouloir emprunter les passes étroites de ces lagons, en l’occurrence celle pour sortir de Maupiti, et celle pour entrer à Mopelia, par temps calme, est une très bonne idée, car elles sont étroites et il peut y avoir beaucoup de courant. MAIS, pour les traversée à la voile entre les îles, nous avons besoin de vent, et le large, par ici et par temps calme, c’est vite l’enfer, les voiles qui claquent, le voilier qui roule comme un pendule, et qui se retrouve chahuté avec à son bord un équipage nauséeux qui fait de son mieux pour ne pas s’énerver. Le moteur fini par reprendre du service, nous qui sommes si fiers d’avoir traversé le Pacifique sans consommer une seule goutte de gasoil, cette fois nous l’avons dans l’os.

Nous constatons que notre séjour de 3 ans aux îles sous le vent a déformé notre lecture de la météo et des fichiers grib. En effet, le vent est souvent très fort aux îles sous le vent, accéléré par les reliefs imposants de ces îles. De plus, lors de nos allers retours à Bora ou Huahine, ou même à Tahiti, nous avons toujours cherché les conditions les plus calmes possibles, étant donné que le trajet face au vent est très difficile quand souffle le Maraamu. Passe de Mopelia2

Mais tout cela n’a finalement rien à voir avec le large, le vrai. Au large, avec le vent dans le dos, on est contents quand on a 20 ou 25 Nœuds qui nous poussent! Et pas contents quand il n’y a que 5 ou 10 Nœuds, car c’est insuffisant pour permettre aux voiles de rester gonflées malgré de la mer hachée qui secoue le bateau. Des voiles gonflées, ça « appui » le voilier et limite le roulis, donc…il faut du vent, et 25 Nœuds, ce n’est pas trop, qu’on se le dise! 

Bref, nous commettons l’erreur de partir par un temps trop calme. Et nous allons bien rouler, et bien faire du moteur, et bien bien bien nous trainer à 3 ou 4 Nœuds pendant presque 24h jusqu’au lagon de Mopelia.

Mais, consolation immédiate : La passe très calme est un jeu d’enfant, le mouillage magique, nous sommes direct sous le charme! Quel bonheur d’arriver dans un endroit aussi beau!

Des oiseaux par milliers, des requins pointes noires (inoffensifs), et des mouches (moins cool) sont notre comité d’accueil.

Puis arrivent nos nouveaux amis, joins quelques heures plus tôt grâce à la VHF portable que Hio essaye de toujours avoir sur lui. Ils viennent chercher les colis que nous avons embarqués à Maupiti, colis confiés par leur papa, Marcello, resté à Maupiti pour travailler... P1080619

Et là, nous avons droit à un accueil à la Polynésienne, comme nous ne l’avions pas eu depuis longtemps! Ici, alors qu’il s’agit de notre toute dernière escale en Polynésie Française, nous allons rencontrer une famille et un garçon Polynésien qui nous touche et nous marque beaucoup!!

Hio et Faimano, frère et sœur de 24 et 25 ans, arrivent à notre bord. Ils sont jeunes, beaux et souriants. Ils vivent loin de tout, à Mopelia, depuis respectivement 3, et 2 ans!! Enorme.

Ils nous saluent d’un « bonjour les amis » qui nous met le cœur en joie, et s’empressent de nous inviter à rejoindre le sud de l’atoll afin d’être plus près de leur habitation. Pour la première fois, des Polynésiens acceptent spontanément, c’est à dire sans que nous soyons obligé d’insister, de monter sur notre voilier pour faire connaissance et prendre un café ou une bière!

Hio est plein de vie, plein de projets, et a une grande soif de partager ses connaissances avec les nôtres. Rien que ce trait de caractère démontre son intelligence. Il donne envie de partage, de discussion, il nous donnerait même envie de rester là!! Il aurait une foule de choses à nous apprendre, lui qui vit depuis si longtemps sur cette île! Trouver de quoi se nourrir n’est, pour lui, pas un problème. Il est capable de récupérer des kilos de poissons en quelques instants, simplement en jetant un filet depuis la plage. Il attrape les langoustes, les énormes crabes de cocotiers, les cocos à plus de 10m du sol comme ça, depuis qu’il est petit. Il est champion officiel de « grimpé de cocotier » (3,5 secondes pour grimper à 7,50m, en short, pieds et mains nus bien sûr). Un esprit vif, un corps sain, un sourire jusqu’aux oreilles, et en plus toute la force d’un jeune homme de 24 ans qui passe tout son temps, depuis toujours, à travailler à l’extérieur.

Waouw, on ne rencontre pas tous les jours des jeunes comme ça. P1080667

En fait, sa famille, (à part son père Marcello resté à Maupiti qui les rejoint dès qu’il le peut), est installée ici. Mopelia est une commune dépendante de Maupiti, et le maire distribue (avec des conditions qui nous échappent un peu) des parcelles de terre et de lagon pour que des familles puissent les exploiter…La famille de Hio s’occupe donc de faire du coprah et d’élever des naissains d’huitres perlières. Ceux-ci sont ensuite revendus chez Monique Champon, à Raiatea, qui va ensuite finir l’élevage des huitres et vendre les perles. 

Un bateau vient chercher le Coprah environ tous les 8 mois (!!!). Celui-ci récupère les sacs et leur achète le coprah à un tarif subventionné (au final et après les intermédiaires, subventionné par les contribuables français (n’est-ce pas sympa de savoir qu’une partie, même infime, de nos impôts est redistribuée à Mopelia? C’est quand même mieux et plus romantique que de payer pour la banque Dexia ou les intérêts de la dette, non?)). 

Bref, les 13 personnes qui vivent à Mopelia sont très isolées.

Mais Hio n’a pour l’instant pas du tout envie de partir, il y est heureux, et veut se constituer une bonne cagnotte avant de fonder sa famille.

Nous allons tous nous retrouver (avec les mouches, beaucoup de mouches, un nombre incalculable de mouches) autour de la table familiale, faisant connaissance avec les autres membres de la famille: Sa mère, Adrienne, et ses 2 autres sœurs, Puaiti et Karina, ainsi que la petite Anairai (5ans). Le décor est très simple, quelques tôles ondulées, quelques bouts de bois, une tente. Adrienne, 2 de ses filles et la petites dorment ensemble sur une planche sans matelas.  P1080658

Il faut le voir pour le croire. Le panneau solaire posé à même le sol pour charger la VHF, le petit poste de radio à pile qui capte Polynésie première en ondes longues. On a même droit à la diffusion des infos de France Inter, qui nous annonce les résultats sportifs. La natation, le foot, le rugby, l’athlétisme, le tennis, waouw, on saura même, pendant notre repas, les résultats de Clermont ferrant, Grenoble, Arles-Avignon, Guingan…..Et sur l’autre radio, Taui FM, c’est le « multiplex de Jacques Vandroux » où ils nous racontent tous les matchs en direct et en même temps. Ça ne donne vraiment pas envie de rentrer en France ce contact éphémère, futile et idiot avec elle. Faut quand même s’imaginer un peu le tableau, à Mopelia, quand on entend les commentateurs s’enflammer pour un but de Montpellier ou Bastia, on se sent encore plus loin de notre beau pays. 

Chez Hio on trouve aussi le vieux pickup japonais sans phare ni calandre, qui roule encore sur l’unique chemin de Mopelia, avec un réservoir de gasoil en plastique attaché sur le capot (!!! Le réservoir normal est HS), et l’essentiel de sa mécanique fixé avec quelques cordages. Mais il roule et est bien utile, comme quand il faut tirer le bateau au sec par exemple… P1080656

Et puis il y a les chiens, une bonne vingtaine, plus ou moins beaux à voir et qui gueulent allègrement à notre arrivée! Il y a aussi la voisine, qui boit toute la journée et toute la nuit une mixture fermentée immonde pour voir la vie en rose et se défoncer le cerveau (elle devient donc très vite très lourde). Mais elle a une radio BLU qui permet de contacter d’autres terres par les ondes, donc, tout le monde est gentil et serviable avec elle…

Et puis il y a le livre d’or! Super idée! Nous ajoutons notre petit mot dans un livre d’or déjà bien garni avec les mots et dessins des voiliers accueillis avant nous…  

Nous sommes 4 voiliers au mouillage pendant notre séjour à Mopelia, et, bien entendu, nous allons faire connaissance. Et vous savez la meilleure? Nous sommes tous français, et au moins 3 d’entre nous sommes partis de La Rochelle. Extraordinaire de se retrouver à Mopelia, autour du feu, en train de discuter avec des Rochelais! François a créé plusieurs commerces dans le quartier de Tasdon, (le quartier d’Isa), et Nicole travaillais au Affaires Maritimes, où nous avons, en tant que marins professionnels, nos quartiers. Incroyable! Un petit barbecue entre français, avec Hio qui s’est joint à nous, sous le ciel étoilé, un temps idéal pour passer la soirée sur la plage, qu’est-ce que c’est bon….. P1080729 

Cela nous donnerait, encore, et encore, et encore, …bien envie de rester.

Nous allons occuper le reste de notre temps à flâner, coté récif, coté lagon, et sur le sentier qui coure au milieu, chercher des coquillages, patauger dans l’eau translucide, filmer les requins pointes noires (de l’extérieur avec la camera montée sur une rallonge), observer les baleines qui s’ébattent dans l’océan, apprendre à ouvrir correctement les cocos (il était temps).

 

 

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Bref, nous attendons que le vent revienne, dans des conditions de pétole, de calme, rare.

Un matin, nous allons voir le ciel se refléter complètement dans le lagon, et du côté du récif frangeant, on jugerait voir une immense piscine à débordement qu’aucune ride ne vient troubler.

 

C’est d’une beauté époustouflante, et tout à fait Polynésienne.

 

Puis le vent revient. Il faut dire au revoir, et il faut partir. Nous n’aimons vraiment pas ça. Mais c’est la vie.

 

Lorsque nous quittons Mopelia, après cette escale de seulement 8 jours, lorsque nous sortons de la passe, éjecté à 7 Nœuds avec le courant, nous avons conscience que cette fois, c’est vraiment la fin de notre séjour en Polynésie Française, où nous aurons donc séjourné très exactement 3 ans, 3 mois et 6 jours.

P1080770Le rêve d’une vie.  

Ce rêve colporté par tant de lectures et d’images, tant de films, de récits et même de dessins animés, qui ont marqué l’enfance puis l’adolescence de Pat. Le rêve a-t-il été à la hauteur des attentes? Qu’est-ce que ça fait de réaliser un rêve aussi important? Il va falloir pas mal de recul pour pouvoir coucher tout cela par écrit. Aujourd’hui, l’émotion est trop grande, et nous ne sommes, il faut le reconnaitre, même pas sûrs de ces émotions. Entre la peine de quitter des îles magiques, des amis sincères, une vie douce et simple, et la joie de repartir à l’aventure, de découvrir de nouveaux horizons et de nous détacher de cette ambiance professionnelle malsaine à Raiatea….Tout se bouscule dans nos esprits. 

En quittant le lagon, nous écoutons Taui FM, et là, sans blague, ils nous envoient: « Là-bas » de Goldman, et pour le fun « Voyage Voyage » de Desireless,…. On dirait que la Polynésie Française nous dit « au revoir et bon voyage » à travers la radio, celle qui avait diffusé notre publicité pour notre école de voile il y a déjà plus de 2 ans….Ces chansons sont des invitations au voyage, on est donc bien content de les entendre. Puis, c’est le comble avec la diffusion, comme tous les soirs à 17h d’une émission de RTL qui visite les régions de France façon guide de routard. Ce soir, l’émission nous parle de………la Charente Maritime! Nous visitons avec eux l’Ile de Ré, le fort Boyard, Rochefort et La Rochelle!! Dingue quand même ces coïncidences…

Puis, vers la fin de l’émission, le signal se perd, ça grésille dans le poste, nous sommes au large!

Vive la vie!

Bisous à tous!

Merci mille fois à Hio et sa famille, qui ont fait de notre séjour à Mopelia un moment inoubliable.

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