Les Tuamotu Juillet-Août 2010

 
IMGP1371Quitter les Marquises…pas si facile…nous trainerions bien un peu dans les parages. Mais, bien sûr, nous n’avons pas oublié notre rendez vous avec l’éclipse totale de soleil du 11 juillet 2010 aux Tuamotu, et quand faut y aller….
Alors, le 06 Juillet, malgré une météo malheureusement pas très encourageante, nous hissons à nouveau la grand voile et prenons la mer vers Kauehi, un des 76 atolls des Tuamotu. 

Nous avons 530 MN (environ 1000KM) à parcourir, et pour la première fois depuis notre départ de France, nous n’allons pas avoir le vent dans le dos lors d’une traversée. Nous serons à environ 60 degrés du vent, qui souffle fort (25-30 Nœuds, avec des rafales) du Sud Est, et lève une mer formée, hachée, forte comme disent les initiés. PFFF, tout cela ne nous fait guère plaisir!
Pour ceux qui ne connaissent pas trop la navigation en mer, sachez que de naviguer avec le vent dans le dos, ou dans le nez, c’est comme le jour et la nuit, très différent. Et là, nous l’avons dans le nez (enfin presque, à 60 degrés, car si nous l’avions vraiment eu dans le nez, nous aurions dû faire demi-tour), c’est humide, venté, en un mot : sport.
Trois jours et 8 heures de mer (80 heures) seront nécessaires pour rejoindre notre nouvelle escale, trois jours désagréables avec des vagues qui, en cognant sur la coque, viennent copieusement arroser le pont et le cockpit. Cette allure déclenche un mal de mer pour Isa qui n’arrive plus à rien faire à bord…juste un peu de cuisine…
Heureusement, Antoine (notre régulateur d’allure Ariès, pour ceux qui ne le savent pas encore), barre, comme à son habitude, super bien, il tiendra son cap jusqu’au bout, sans broncher, toujours sans aucune panne, et sans consommer un ampère ni une calorie ni une goutte d’eau douce. Un équipier de grande valeur, c’est évident. (Nous n’imaginons même pas les deux autres solutions pour tenir le cap, 1, nous, à la barre, dans ces longues nuits noires, arrosés par les grosses vagues effrayantes, ou bien, 2, sous pilote électrique, qui avec cette mer forte, aurait vite fait de consommer toute l’énergie du bord). Conclusion : vive le régulateur d’allure!!!
Une vague va réussir à exploser les coutures de notre capote de cockpit (la toile qui nous abrite du vent et des embruns). L’eau s’engouffre alors carrément dans le bateau, super…Heureusement que ce n’est que 3 jours de traversée!
Quelle joie de distinguer enfin l’atoll et de rejoindre enfin (et à la bonne heure, c'est-à-dire autour de l’étale de marée) la passe de Kauehi!!!DSCF3944
Les Marquises nous avaient bluffés par leur relief…ici, le seul relief, ce sont les cocotiers, que nous voyons apparaitre par milliers. Une fois dans l’atoll, nous sommes à l’intérieur d’une immense couronne de corail, même si Kauehi est un atoll de taille moyenne, de forme vaguement circulaire, d’environ 20km de diamètre!!! Notre première remarque? « Ouhlala c’est grand!! »…On voit la couronne se dessiner autour de nous sur l’écran du radar, nous sommes dans un atoll, génial…
A comparer avec la taille de l’atoll, le village, avec ses 68 familles, (la population entière ressemble en fait à une grande famille), sa mini mairie, mini poste, mini route (un tracé de quelques kilomètres, et pourtant on trouve quelques voitures particulière qui ne doivent pas souvent passer la seconde…) est vraiment minuscule.
Nous jetons l’ancre près du village, il y a du vent, plutôt fort, le ciel est assez gris, mais nous sommes à l’arrêt, le bateau ne bouge plus, et nous sommes à l’heure pour l’éclipse!
Elle aura bien lieu, à l’heure, comme prévue depuis si longtemps, mais les nuages nous la cache en grande partie, et nous sommes un peu déçus, d’autant que la totalité n’est que de 99%, il aurait fallu descendre environ 100 km plus au Sud pour avoir du 100%...
Mais l’important c’est d’être au rendez vous, la radio diffuse les commentaires d’un peu partout en Polynésie, c’est un chouette évènement, et même Doudou et Citron auront leur lunettes spéciale éclipse. Eclipse
Mais ce jour là, nous allons aussi avoir encore une preuve que tous les hommes sont différents sur cette planète. Attention aux incompréhensions….Car pendant cette éclipse avait lieu la finale de la coupe du monde de foot, Allemagne-Espagne, et on sentait bien le dilemme radiophonique insoluble pour Radio-Polynésie (quel est l’évènement le plus important ??????). Un micro-trottoir a été fait, et les avis divergent fortement, vous vous en doutez. Certains ont cependant eu le reflexe de mettre leur télé dans le jardin, comme ça, ils suivaient le match et pouvaient regarder l’éclipse pendant les pauses douleurs de nos amis footeux...Radio Polynésie n’a diffusé que la deuxième mi-temps du match…en s’excusant presque auprès des auditeurs pour ce contretemps stellaire….
Mais nous trouvons encore plus fort, une fois à terre dans le village, nous avons rencontré quelques personnes qui nous ont dit : « ah non, nous n’avons pas vu l’éclipse, il y avait la messe » !!!!!! Ils ne sont pas sortis de l’église, même pas 5 minutes pour voir cet événement qui dure pourtant 1h30???!!! Et ben non…….
Incompréhension…..totale……à 100% cette fois….
Et c’est environ 10 minutes après l’éclipse que les nuages se sont dissipés (on ne s’est même pas énervé). Nous avons alors découvert les couleurs si vives des Tuamotu, mais aussi le reste de la végétation locale, quelques papayers et arbres à pain. Mais pas beaucoup plus….Le sol est blanc, on marche sur du corail, il doit falloir beaucoup de patience pour faire pousser quelque chose ici…DSCF3793
Nous retrouvons aussi les bleus sous toutes ses teintes et la transparence de l’eau, les coraux vivants, coquillages (dont le superbe bénitier) et poissons petits et gros (nous croiserons même un requin pointe noire, tout à fait commun ici, ni lui ni nous ne semblait vouloir prolonger l’entrevue, mais nous avons tout de même une photo…).
Nous rencontrons, le lendemain de notre arrivée, Florian et Nina, autrichiens, qui vont nous proposer de recoudre la capote avec leur machine à coudre! Cool! Florian est snowborder professionnel, et passe son temps sur les plus hauts sommets du monde… il nous a donné ses vidéos, ce garçon n’est pas comme tout le monde c’est clair!
Mais durant notre séjour à Kauehi, nous n’allons pas avoir beaucoup de voisins, nous serons le seul voilier au mouillage 90% du temps.
Cependant, au village, c’est l’effervescence, car, comme partout en Polynésie, c’est la période des fêtes de Juillet, le « Heiva ».  
Chaque jour, le village se retrouve sur le « terrain de foot » (il ne vaut mieux pas tomber sur ce terrain, car la surface « corail tranchant » est, on le suppose, assez agressive pour la peau en cas de chute…). IMGP1473
Autour du terrain, où l’alcool est strictement interdit, de petites maisons en palmes de cocotiers, comme des stands, ont été construites. Nous y trouvons une discothèque de 20m2, l’artisanat Tuamotu (à savoir colliers de perles et coquillages, coraux décorés, chapeaux tressés, nacres sculptées, le tout vraiment magnifique). Il y a aussi la buvette où l’on serre des cocos fraiches, le coin babyfoot où l’on peut manger de la glace, le chamboule tout, et les petits snacks….Toute la journée, beaucoup de jeux sont organisés : pétanque, concours de récupération du coprah, tire au javelot dans une noix de coco perchée à une dizaine de mètre de hauteur, etc….
Mais il y a aussi l’élection de miss et mister Kauehi, et surtout les concours de musiques et de danses locales (encore une fois, comme partout en Polynésie en Juillet).
C’est ainsi que nous allons vivre quelques moments inoubliables, après avoir sympathisé avec la famille d’Andrea (avec sa fille Isabelle en particulier), car Pat jouera au babyfoot, Isabelle dansera sur la scène, et le maire sera également toujours là pour vérifier que nous profitons bien de notre séjour à Kauehi!IMGP1422

Le 14 juillet, le maire profite de son discours pour nous intégrer dans le défilé, fleuri et donc parfumé à souhait. Nous aurons droit à la Marseillaise et à l’hymne Polynésien chantés par les enfants.…Le texte de la Marseillaise paraît un peu incongru chanté par des enfants, encore plus si ce sont des enfants des Tuamotu, qui ont quand même un peu de mal à se souvenir des paroles (qui, on l’imagine, avaient pourtant été bien répétées en classe)…Le maire est à cette occasion entouré de son policier qui porte un magnifique collier de fleurs, des pompiers, et des trois « Miss Kauehi » accompagnées de leur « Mister Kauehi »! « qu’un sang impur, abreuve nos sillons…. » !!!!!!!!

Ici, on parle le Paumotu, et bonjour se dit : Kuraora. Comment vas-tu c’est ‘’maitai roa’’ ? Le nom du maire, c’est Tiaihau, qui signifie ‘’gardien de la paix’’ c’est le « Tavana », le maire. Elu depuis 2 ans il met tout en œuvre pour que son village et ses habitants soient accueillants. Les « Popaa », les étrangers-français sont les bienvenus, les voiliers sont les bienvenus, tous ceux qui le désirent sont les bienvenus! DSCF3923
Le maire peut à la demande prendre le temps de faire visiter tout ce qu’il y a à voir à Kauehi, d’une ferme perlière aux plantations et jardins potagers, des pensions pour l’accueil des touristes aux secrets de la passe où l’on peut nager au milieu des requins…Deux vols par semaine au départ de Tahiti permettent l’accès et le ravitaillement de l’atoll (le pain est livré congelé à l’unique magasin, une fois pas semaine). Mais le magasin est plutôt bien achalandé malgré l’isolement. Il y a aussi un bateau qui vient de Tahiti deux fois par mois, il livre le nécessaire (du fioul pour l’électricité du village, ou des matériaux de construction par exemple) et récupère les sacs de coprah vendu par les habitants à un court tout à fait officiel.
La poste est ouverte de 7h 30 à 9h30, le téléphone (réseau vini) fonctionne partout même dans le sud de l’atoll que nous avons visité en 3 jours, et il y a des cabines.
Tiaihau s’investit aussi dans le respect de l’environnement, pas facile d’expliquer qu’il faut arrêter de récupérer les œufs des oiseaux de mer, qui sont en train de disparaitre (ils ont du coup quelques soucis avec les mouches)….Il favorise l’insertion des jeunes sans travail en proposant des périodes d’apprentissage afin qu’ils puissent par la suite continuer leur activité  à leur compte, potager, coprah, pêche… 
Il n’oublie pas non plus les artistes. Le travail de la nacre est en effet très raffiné et Ririfatu nous a montré de très belles œuvres. Andrea, Teraï et d’autres créent de magnifiques colliers de coquillages et objets de décoration, où les perles de Polynésie sont mises en valeur. Il est prévu de faire une maison d’exposition pour que les touristes puissent admirer toutes ces œuvres, qui sont aussi envoyées sur Tahiti afin d’y trouver acquéreurs.IMGP1443
Chaque association : les communaux, les danseurs, les enfants, le développement rural, l’artisanat, la biosphère, apporte par sa volonté et son dynamisme un esprit sein à l’ensemble et il fait très bon vivre à Kauehi.
Isabelle, (et oui encore une) la fille d’Andrea, et Sébastien vont nous guider et nous inviter à gouter la cuisine locale. Nous faisons connaissance avec toute la famille (nombreuse!).
Pendant les nombreuses sessions de planche à voile de Pat, Isa va de plus en plus se lier d’amitié avec cette famille, et découvrir l’art de faire des chapeaux et autres tressages, tout en leur enseignant en retour l’art de la pâtisserie (hum la tarte au citron….).
Mais pour faire une tarte au citron, il faut des citrons, nous en avions des kilos en partant des Marquises, mais ils sont vite partis, et il n’y en a pas aux Tuamotu. Donc, si des navigateurs en route pour les Tuamotu lisent ces lignes, pensez à emmener un maximum de fruits, vous n’en aurez jamais trop, car vous pourrez les donner/troquer aux Tuamotu!!!!!!
Isa a souvent partagé les repas avec la famille d’Isabelle ou celle de Riri fatu. Et c’était l’occasion de mieux connaître la vie sur l’atoll. Ririfatu nous a confectionné de très beaux pendentifs dont l’un représentant Fidji. IMGP1438
La journée à Kauehi s’écoule doucement, entre quelques sorties pêches, activités d’artisanat, de récolte de coprah, etc…mais il ne faut pas oublier de parler de la télévision, qui diffuse une vieille série brésilienne mal doublée...La plupart des habitants n’envisagent pas de rater un seul épisode, et à l’heure du feuilleton (16h30), tout s’arrête!!! Ils ne pourront même pas passer prendre un apéro sur Fidji à cause de ça…
Pas facile, encore une fois, de quitter cet endroit, nous nous sommes attachés, et aimerions beaucoup revenir un jour….Et il y aurait encore tellement plus de choses à écrire….
Mais une fenêtre météo s’offre à nous pour reprendre la mer (car durant tout notre séjour, le vent n’a pratiquement pas molli, et la mer était toujours forte..). Nous allons rejoindre le Nord de Fakarava, en traversant les 2 passes à l’étale, grâce au fait qu’il y ait environ 6 heures (une marée) de trajet entre les 2 passes.
Navigation agréable, dauphins à l’arrivée, mouillage en face du village principal, où nous retrouvons……..INTERNET!!!!! Cette escale au village de Fakarava va donc nous permettre de retrouver la famille Belliot au complet (enfin, presque) sur Skype, tous réunis pour une grosse fête de famille. Nous aurions tellement aimé pouvoir nous joindre à eux, et regrettons beaucoup que la téléportation n’aie pas encore été inventée. Enfin, on ne va pas se plaindre, déjà, Skype a été inventé, quel bonheur, un moment inoubliable et animé par les guitaristes de la famille, le tout devant nos webcam, vive le progrès!
Puis nous trouvons 2 vélos à louer (4 Euros/vélo/jour!) pour visiter Fakarava. Cet atoll est très pratique pour le vélo, car il dispose d’une route magnifique, avec piste cyclable et tout! En effet, quand notre président Chirac a dit à son copain Gaston Flosse (président de la Polynésie à l’époque) qu’il allait passer le voir dans sa résidence de Fakarava, celui-ci a fait construire cette belle route d’environ 30 km de l’aéroport à sa résidence. On peut maintenant rouler à 150km/h à Fakarava (nous n’avons pas croisé de radar). Petit soucis, Chirac n’est finalement jamais venu…ah la bonne blague!DSCF4285
En tout cas les touristes que nous sommes en profitent bien, et nous allons faire de nombreux arrêts des 2 cotés, lagon et océan, un stop baignade, et profiter du soleil qui fait éclater des couleurs impressionnantes, des variantes de bleus infinies, et une clarté de l’eau qui permet d’observer les petits poissons sans se mouiller… DSCF4107

Pour finir notre séjour aux Tuamotu, nous ferons une très courte escale d’une nuit à l’anse Amyot, atoll de Toau (prononcé « to a ou »), car une bonne option météo s’offre à nous pour rejoindre Tahiti, il faut sauter sur l’occasion et ne pas rater cette accalmie, car si nous avons compris une chose au sujet des Tuamotu, c’est que quand ça souffle, ça souffle…
La traversée sans soucis durera 36 heures, et à l’arrivée, nous jetons l’ancre vers 20 heures, à la pointe Vénus, à Tahiti, un évènement en soit…..mais ça, c’est déjà une autre histoire!