Canal de Panama (Janvier 2010)



((((Tout d’abord ce texte s’adressant surtout à des gens qui ne passeront pas le canal, vous n’aurez pas beaucoup d’informations précises (les tarifs/ numéros de téléphone/ informations nautiques….). Cependant, si vous voulez savoir plus précisément comment ça c’est passé pour nous, avec notre avis sur les mouillages, marinas, agents, line-handler, les conseils que nous en tirons et tout ça, nous préparerons un autre message pour ceux qui nous le demanderons directement (belliotpatrick@gmail.com), avec les informations que nous aurions aimé avoir avant d’arriver sur place…))))...
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Nous voici, nous voila, tout au bout d’un Océan, pas moyen d’aller plus à l’Ouest sans passer par ce fameux canal, à moins de revenir sur nos traces, et de faire le tour d’une des deux Amériques, un léger détour! 
Dans nos têtes, nous entendons encore notre copine Laurence, qui connait bien le chemin: “tu verras, quand la dernière porte s’ouvre, que tu entres dans le Pacifique, tu respires, c’est là que l’aventure commence vraiment! La liberté c’est droit devant”….
Nous avons hâte de ressentir ces sensations, car quitter les San Blas n’a pas été facile! Après une nuit à Isla Linton, nous voici déjà à Colon, la ville à l’entrée du canal. Nous décidons de nous rendre dans la seule marina du coin “Shelter bay Marina”.
Nous allons beaucoup y apprécier la piscine!!!! Mais aussi la rapidité avec laquelle notre passage va s’y préparer.IMGP0263
Nous sommes toujours avec Papa Belliot, qui est quand même un peu venu pour passer le Canal, comme les héros de ses livres d’ado (Le Toumelin en particulier)…
Dès l’arrivée, nous rencontrons nos voisins, qui nous donnent le numéro de leur « agent » qui « s’occupe de tout »….Le soir même nous avons les 4 amarres obligatoires (40 mètres chacune) posées sur Fidji, cool ça va vite!!
Notre agent, Yariel (prononcé Djariel), devrait nous permettre de ne pas connaître le stress…pas besoin de rencontrer ni les douanes ni aucun autre fonctionnaire….Nous avons passé un mois aux San Blas sans faire d’autres formalités que de payer les 20 dollars pour le Congresso Kuna quand ils sont venus nous les demander..…alors nous comptons sur Yariel pour que les douaniers ne posent pas de question….Sortie officielle de Colombie le 8 Décembre, entrée officielle à Panama le 20 Janvier…..mais, aucun problème, Yariel nous ramène les passeports tamponnés, le « cruising permit » pour 2 mois et tout ce qu’il faut pour être en règle.
Nous serons « mesuré » le dimanche! (étape obligatoire effectuée par l’administration du Canal, qui vient contrôler tous les bateaux qui transitent, les mesure et donne des consignes aux plaisanciers….), donc 3 jours après notre arrivée, nous sommes déjà presque prêt à passer, reste plus qu’à payer le passage (600 dollars), et la caution (en tout environ 1500 dollars)…Au passage, Fidji fait (« hors tout » c'est-à-dire longueur maxi, avec jupe et balcon) en vrai 12,50 mètres, ou 41 pieds, ça fait donc 1,50m de plus que ce que nous pensions…..mais faut pas le dire (on paye les marinas à la longueur). P1060868 (2)
Cela dit, tout ne se passe pas comme sur des roulettes…..Yariel a la fâcheuse tendance à être extrêmement en retard à nos rendez vous, p lusieurs heures à chaque fois. Et c’est toujours nous qui finissons par l’appeler! Il dit, « j’arrive dans 15 minutes », et arrive 2 heures après…..Il a rendu Pat presque fou!
Certaines de ses informations étaient fausses, comme le fait que nous n’aurions pas besoin d’aller en ville (40 dollars l’aller-retour si il faut prendre un taxi)….Et il ne nous a pas fourni le papier d’entrée à Panama City, une fois le Canal franchi…en nous disant que cela ne faisait pas partie de son contrat…
D’autre part, Jean Paul s’étant fait dévorer les chevilles par on ne sait quoi se voit couvert de bulles énormes sur les mollets, et on ne peut pas dire que ça lui plaise beaucoup.
Donc, entre les retards de Yariel, les boutons de JiPé, les grognements de Pat qui voudrait retourner aux San Blas, Isa n’a plus qu’une chose à faire, se réfugier à la piscine, et ce pendant que la machine à laver tourne: elle jubile!!!
Tout va quand même assez vite: les aussières sont à bord, les pneus de protection ne tarderont pas à suivre, les papiers sont fait, et si la fonction « virement international » avait été activée sur notre compte par internet, nous aurions même peut être pu gagner 2 jours….Nous passerons finalement 6 jours à Shelter Bay Marina, ce qui est en fait un passage rapide! Et nous prendrons le temps de faire des très très grosses courses (en prévision du Pacifique) grâce aux supers transports gratuits organisés par la marina et le supermarché.

Pour passer le canal de Panama avec un petit bateau, il faut obligatoirement 4 équipiers en plus du barreur, (pour manipuler les amarres (ou « aussières »)), et un pilote-conseillé (« adviser ») monte à bord pendant tout le transit.P1060887
Pour le pilote, pas de problème, il est fournit par le canal, mais pour les équipiers, nous seront obligé de faire appel à des « professionnels » payants, fournit par Yariel. Ils arrivent comme convenu le jour J, juste avant d’appareiller de la marina. Bienvenus Javier et Eric….
Et le jour J arrive donc: 29 janvier 2010. Rendez vous aux « Flats » à 14 heures, pour embarquer notre pilote. Ce sera notre dernier mouillage dans cette mer et dans cet océan avant longtemps! Mouillage pourri d’ailleurs.


Le "pilote" arrive…...............................…à 18h15. Il s’appelle Fernando, est pasteur, et très sympa. Et nous voilà parti pour la première série de 3 écluses. Nous passerons la nuit sur le lac Gatun, et redescendrons dans le Pacifique le lendemain.

Nous allons passer les écluses montantes à 3 voiliers à couple (accrochés côte à côte), un cargo devant nous. Le voilier le plus puissant, un catamaran de 20 mètres, avec skipper, hôtesse et propriétaires à bord (tous français), sera au milieu, et Fidji à droite, choix de Pat lié au pas de l’hélice de Fidji.

Les instructions sont de laisser ce cata au milieu nous guider, les monocoques sur le coté sont au point mort et la barre au centre, les barreurs prêts à obéir aux ordres des pilotes.
Il faut donc s’amarrer au cata et là, nous comprenons vite que nos équipiers ont beaucoup à apprendre, ne serait ce que les nœuds de taquets déjà…oh la la ça promet. Pat est fâché, ils sont nuls, et n’y connaissent rien, nos « professionnels » qui ont soit disant passé 40000 fois le Canal, et qu’on paye pour ça en plus.

Bref, c’est Isa qui surveille l’avant et Pat l’arrière pendant que Jean Paul prend les photos. Une fois laborieusement amarré au cata, il faut prendre place derrière un énorme cargo, qui nous attend dans la « chambre »…Il fait nuit mais les lampadaires sont puissants, des hommes sur les rives lancent des « IMGP0299messagers » équipés de « Pommes de Touline » (attention ça devient technique), qui vont nous permettre de fixer les amarres qui vont nous tenir au milieu de l’écluse malgré les remous.
En entrant dans l’écluse, soudain, un fort courant de travers surprend Fabien, le skipper du cata qui ne peut rien faire, le trio se retrouve plaqué carrément sur la porte de l’écluse…enfin comme Fidji est à droite, c’est nous qui sommes contre la porte!!!! 
On pousse, on crie, mais il faut faire autre chose que ça, c’est évident. Pat attend sagement 1 à 2 minutes la réaction des pilotes, qui lui demandent de laisser faire le catamaran, qui ne s’en sort pas….
Puis voyant (avec surprise et déception) qu’ils ne savent plus quel ordre donner, et que si ça continue on va abimer Fidji, ou passer la nuit contre cette porte d’écluse, c’est Pat qui prend d’autorité les commandes. 
En criant plus fort que les autres, et en basculant de l’Anglais au Français, pour bien faire comprendre aux « pilotes » qu’ils ne sont plus en charge de la manœuvre, Pat demande à Fabien une marche arrière au taquet du taquet, avec celle de Fidji au taquet aussi, le pas d’hélice de Fidji nous écartant du mur. Les moteurs rugissent, et nous sortent vite de là. Nous remettons en avant, et nous plaçons correctement, les aussières sont tendues, les portes se ferment sur l’Atlantique….Isa et Jean Paul ont les genoux en coton. ’’C’est pas vrai que le voyage va s’arrêter comme ça’’ a pensé Isa, mais Pat lui assure que Fidji aurait résisté longtemps à cette pression, c’est du costaud un Gin Fizz….On s'en sort bien en tout cas.....

L’eau bouillonne autour du bateau, nous nous élevons d’une dizaine de mètres en 5 minutes…Par-dessus la porte, derrière nous, on voit encore l’Atlantique, la mer des Caraïbes…La manœuvre se répète 3 fois, dans les 3 chambres de ce qu’on appelle « les écluses de Gatun » (prononcé gatoune), au final nous débouchons sur le lac Gatun, un gigantesque lac créé par l’homme en construisant un barrage sur la rivière Chagrès. Ce lac alimente les écluses en eau, pour pouvoir les remplir par le haut et faire monter/descendre les bateaux….S’il s’arrête de pleuvoir donc……fini le canal de Panama!!! Le trafic augmentant, et avec les agrandissements prévus, il va falloir encore plus d’eau, la quantité d’eau douce dépensée est colossale!  (chaque vidange équivaudrait à 6 mois de la consommation d'eau douce du reste du pays!). C'est pourquoi il y a, en ce moment, des projets d'études pour pouvoir pomper l'eau de mer vers les chambres, pour palier à ce "leger" problème....
En tout cas Fidji n’a jamais été aussi haut au dessus du niveau de la mer! Nous jetons l’ancre, par 16 mètres de fond, en espérant ne pas coincer l’ancre dans un arbre engloutit (il n’y a qu’une immense forêt tropicale sous ce lac). Fernando est récupéré par ses collègues, et après dîner, nous n’aurons pas de problème pour nous coucher, malgré le roulis provoqué de temps en temps par les bateaux qui passent. Javier veut dormir dans le cockpit, quand à Eric, il s’installe dans la cabine arrière.


Nous nous réveillons à 6h00 pour reprendre la route. Notre nouveau pilote, José, monte à bord, 2 fois plus lourd que Fernando et blanc de peau. Quoi qu’il en soit il est également fort sympa. P1060981
Nous levons l’ancre pour traverser le lac Gatun, et nous rendre vers les écluses nous redescendant vers le Pacifique. Le chenal est balisé, nous allons le suivre, à vitesse soutenue pendant 5 ou 6 heures, ce qui va nous laisser amplement le temps de voire la beauté du cadre. Le levé du jour laisse apparaitre un paysage grandiose de côtes et d’iles recouvertes de forêt tropicale dense. Les oiseaux, les papillons, les singes, les jaguars, les cochons sauvages….et bien d’autres animaux y vivent. Nous ne verrons que les oiseaux et les papillons mais ce lac donne vraiment envie d’en faire le tour…ce n’est pas au programme, et c’est bien dommage, car malgré le trafic incessant des énormes cargos, la paix règne ici, c’est que le lac est immense et que les bateaux ne peuvent pas quitter leur chenal.



La traversée du lac terminée, nous rentrons dans l’écluse Pedro Miguel, puis dans celle de Miraflorès. Là, nous serons à couple avec un petit remorqueur, ce qui nous rassure, car nos hommes de main ne sont vraiment pas au top en ce qui concerne les nœuds et la manipulation des aussières, on leur offrirait bien une formation….

En effet, Javier, posté à l'arrière tribord, alors que nous étions à moins de 2 mètres du remorqueur, lance son aussière (bien que nous lui avions demandé d'attendre d'être à porté de main), qui attérit, bien sûr, dans l'eau, au niveau de l'hélice, au point mort à ce moment là, mais qu'il faudrait pourtant sous peu faire tourner en marche arrière pour freiner, car le vent nous pousse en avant assez vite....
Pat vois tout de suite le gros danger qui nous guette, car l'aussière de devant est déjà fixée (pas encore tendue), sans une aussière à l'arrière, Fidji qui avance toujours, va s'appuyer sur son avant dans quelques secondes, et faire demi tour à grande vitesse dans l'écluse!!!! Demi tour qui ne sera pas rattrapable au moteur, le pas de l'hélice en marche arrière nous écartant du remorqueur (comme il nous a écarté du mur la veille)!!!!!
De plus, il faudrait être inconscient pour remettre l'hélice en rotation alors qu'il y a une aussière dans l'eau. Alors que personne à bord n'a conscience de ce qui va se passer, Pat bondit de la barre en ejectant vivement Javier qui bulle près du taquet, plonge les bras et la tête sous le balcon arrière et ramène l'aussière à bord à toute vitesse, avant de la donner en main propre au remorqueur (qui, lui, sait manoeuvrer un cordage correctement, en faisant de suite un tour mort sur son taquet). Dans la seconde qui suit, Fidji s'appuie dessus et s'aligne le long du remorqueur, nous sommes sauvé...... Pat ne dit rien à personne, garde son calme, mais sait très bien que nous aurions pu passer un sale 1/4 d'heure si il n'avait pas plongé sur cette aussière. 1/4 d'heure qui aurait été vu par les webcams de Miraflores et les centaines de touristes qui nous regardent de la terrasse.....Nous avons vraiment eu chaud, mais ça, pas grand monde à bord n'en a conscience......


OUF.............Heureusement qu'il n'y a pas d'autres écluses plus loin, car nos fameux "line-handler professionnels" s'avèrent plutôt être des handicaps que des aides.....Nous serons contents quand nous les aurons débarqués. Avec le sourire bien sûr, il faut savoir rester ZEN, surtout quand une explosion serait complètement inutile. Ils sont bien gentils, mais nous les aurions plus apprécié assis dans le cockpitt avec une bière plutôt qu'à la manoeuvre......

Bref, un énorme cargo s’amarre ensuite derrière nous et cette fois, l’eau se vide et nous descendons. Trois portes nous conduirons ainsi jusqu’au Pacifique! Nous avons tenté les grands gestes de bras pour nous faire remarquer par les webcams…nous savons que nos familles et beaucoup de nos amis nous suivent en direct à ce moment.P1070075



Nous savons que s’ouvre devant nous de nouveaux horizons, et nous tournons une page importante de notre aventure. L’Atlantique avec la mer des Caraïbes nous ont beaucoup offert. Maintenant nous sommes devant l’inconnu.
L’aventure c’est l’aventure ! Nous retrouvons le rythme des marées, et pour le moment, mouillé à Panama City, nous sommes en attente de la suite. Panama City est de ces villes qui nous font peur, avec ses nombreux grattes ciels, ses embouteillages et sa pollution….

D’abord, Papa JiPé, puis quelques jours plus tard, Isa, vont rentrer en France. Pat va s’occuper de sa liste de choses à faire, en attendant un mois le retour de sa doudou.
Vivement la suite !!!
A bientôt!

Pat et Isa